Remontée du fleuve St Laurent, de Rivière au Renard à Rimouski

Le port de pêche de Rivière au Renard en Gaspésie marque le début de notre remontée du St Laurent. Au fond du port se trouve une petite marina un peu couteuse mais où l’accueil est chaleureux. Nous y passons quelques jours car le vent est orienté Sud-Ouest, c’est à dire exactement là où il ne faut pas pour avancer vers Québec. Nous en profitons pour nous reposer, faire jouer Océane et discuter avec les voisins de ponton. Parmi eux un équipage « tourdumondiste » passé par la Casamance et l’Alaska, de quoi faire rêver PB. On pose beaucoup de questions sur la navigation sur le fleuve et l’hivernage du bateau pour l’hiver. On passe peut-être pour plus bête qu’on ne l’est (et encore…) mais ça nous permet de croiser les avis. 

Nous sommes fin juillet et pensons déjà à l’hivernage. Oui, car nous prévoyons de rentrer mi-août en France pour faire une surprise à la maman de Manon et de ne revenir au Canada pour nous installer que fin octobre. Il faudra donc que le bateau soit hiverné avant notre départ. 

Le vent reste Sud Ouest mais faiblit après 3 jours alors nous décidons d’avancer au moteur vers Grande Vallée. Nous jetons l’ancre derrière l’ancien quai en espérant que ça nous protégera suffisamment de la houle. A peine accroché nous mettons l’annexe à l’eau pour emmener Océane aux jeux pour enfants que l’on voit du bateau malgré un gros nuage noir très menaçant. Ca ne rate pas ! Nous sommes tout juste arrivés aux jeux quand l’orage se déchaine et que nous sommes coincés sous un kiosque pour éviter les trombes d’eau en regardant Culbuto de loin. Sur le moment PB s’en veut. On aurait pu être à bord pendant l’orage et donc veiller sur le bateau. Là, si jamais il décroche de son ancre c’est la cata… Mais tout se passe bien, Culbuto se débrouille très bien seul et Océane prend plaisir à essuyer les tobogans et sauter dans les flaques par la suite. Il ne restera plus qu’ à écoper l’annexe et nous pourrons rentrer à bord, heureux et trempés. 

Un peu plus tard nous serons questionnés sur ce mouillage car il est connu localement pour ses vents catabatiques, c’est à dire des vents soudains et violents qui descendent dans la vallée. On les trouve presque systématiquement quand il y a du relief et des écarts de température entre la terre et la mer. Ici ça arrive souvent en fin de journée ou la nuit, l’été, quand la masse d’air froide au dessus de la péninsule de Gaspésie vient « remplir » l’espace que laisse la masse d’air chaude qui monte au dessus du fleuve. Nous n’avons pas eu de problème à ce sujet cette fois-ci, tant mieux. 

Nous repartons le lendemain, toujours au moteur vers Mont-Louis. 25 miles avant d’arriver le vent rentre rapidement et les 10 noeuds de Sud Ouest annoncés se transforment en 20 noeuds bien tassés. On tire donc des bords sous grand voile arisée et foc. La mer est courte et le bateau tape un peu. Après deux heures comme ça nous n’avons plus aucun doute : Nous dormirons dans des draps mouillés… Nous avançons péniblement mais nous avançons. Le radar (qui ne fonctionne de toute façon pas) s’arrache lors d’un virement de bord et pendouille à mi mât. PB hésite à se mettre vent arrière pour monter au mat le descendre mais nous sommes à 2h de l’arrivée alors tant pis ça attendra. Sinon le temps de faire l’opération on sera de retour à Grande Vallée ! 

Nous arrivons à Mont Louis à 13h le 26 juillet en même temps qu’un autre voilier mais le tout petit port est encombré par d’autres bateaux. Quelqu’un sur le quai nous demande de patienter le temps de déplacer les bateaux pour nous faire une place. Parfait. On se met d’accord avec l’autre plaisancier en attente puis patientons en faisant des ronds dans l’eau. Et c’est là que … BOUM ! nous heurtons les restes d’un ancien quai et des cailloux. Pas de problème pour se sortir de ce mauvais pas mais PB fulmine. Il a énormément bossé à Cariacou pour refaire la quille du bateau et voilà qu’on vient de la défoncer à nouveau… Avec le radar ça commence à bien faire pour aujourd’hui ! Une fois à quai nous oublions vite ces déboires qui, finalement, ne sont pas graves et font partis de la vie en bateau et buvons une bière avec les autres plaisanciers et pêcheurs. 

Plus tard, après diner, les équipages de « Loustic » et « 1000 soleils » nous rejoignent à bord pour quelques verres. Tisane pour les uns, rhum pour les autres, les discutions vont bon train et la soirée est très agréable. A nouveau nous glanons plein d’informations. Malgré tout nous sommes debout de bonne heure le lendemain et partons pour 3h de marche sur les routes forestières de Mont-Louis. A notre retours nous sommes seuls, les autres voiliers ont profité du fort vent de Sud-Ouest qui souffle toujours pour continuer leur route vers la sortie du fleuve.  

Nous partons le lendemain pour Saint-Anne des Monts. Nous avons repéré un mouillage qui devrait être abrité derrière la digue de la marina. Erreur ! Nous passons une très mauvaise nuit et décampons dès que possible le lendemain pour aller à la marina. La météo annonce encore 2 jours de vent fort de Sud Ouest. On commence à comprendre pourquoi tout le monde nous a dit de prévoir 15 jours pour faire les 335 miles qui séparent Québec de Rivière au Renard. Avec du vent bien orienté on couvre cette distance en en moins de 3 jours !

A St Anne des Monts nous nous occupons comme nous pouvons. Courses, pleins d’eau et de gasoil, tours à la librairie et visite de l’aquarium. Les poissons locaux sont nettement moins colorés que ceux des Antilles mais Océane aime bien toucher les étoiles de mer, oursins et concombres de mer dans le bassin « tactile ». 

Pour avancer nous décidons de quitter le port à 23h le 29 juillet quand le vent tombe enfin. Nous passons la nuit au moteur à raser le bord sud du fleuve pour ne pas être trop exposés au courant. Malgré tout on n’avance pas. 3 nds, 2.5 nds, 3.5 nds… la nuit est interminable. Pas question de faire des siestes comme en pleine mer vu notre proximité avec la côte alors on regarde des séries pour ne pas s’endormir. Une première en mer pour nous… C’est tellement long que nous renonçons à nous rendre à Rimouski directement et nous arrêtons dans l’anse du petit Mitis. 

Le mouillage est magnifique et nous admirons le coucher de soleil sur le phare et les rochers pleins de phoques. On les entends hurler, presque comme des loups. Ils sont d’ailleurs surnommés les « loups-marins » ici. 

Nous atteignons Rimouski en début d’après midi le 31 juillet, toujours au moteur ! On commence à en avoir vraiment marre…

La marina est toute neuve avec des pontons magnifiques et spacieux. Mais le mieux c’est qu’une fois Océane couchée, le bar du Yacht Club est a porté de babyphone. On laisse donc notre bébé faire sa sieste paisiblement pendant qu’on profite d’un verre en amoureux. Ca fait du bien ! 

Rimouski, dans notre esprit, marquait une étape importante dans la remontée du fleuve. A partir de là il va falloir composer avec les marrées pour avancer. Les choses sérieuses commencent mais nous ne sommes plus qu’ à 4 navigations de Québec. 

De Rimouski à Tadoussac

Au moment de partir de Rimouski et malgré plusieurs vérification du niveau d’eau auprès du personnel de la marina le sondeur nous indique que nous sommes échoués dans la place de port. On patiente donc quelques heures et partons en début de marée montante en même temps que nos amis de « Malin » le 2 août. Nous mettons à la voile à la sortie du port et commençons à remonter face au vent quand nous croisons un bateau anglais qui nous applaudi ! Ce doit être parce que nous sommes les seuls à faire de la voile… Tout le reste des plaisanciers part au moteur en longeant la rive sud. Ca nous amuse beaucoup, Capitaine Océane est fière d’elle ! 

Pour cette navigation nous choisissons d’aller découvrir le parc du Bic. Le mouillage de la baie de l’Orignal est à 15 miles de Rimouski, c’est une navigation agréable bien qu’au près dans 18 noeuds de vent. Le bateau avance bien dans ces conditions, PB se régale. 

En arrivant c’est chocolat chaud pour tout le monde, ça caille quand même un peu. Puis PB a la bonne idée de gonfler son matériel de Wing et d’aller faire un tour. Pour la première fois du voyage il n’a pas de radio avec lui (elle a pris l’eau à la dernière session) et l’annexe n’est pas à l’eau. Vous voyez venir la connerie ? Lui aussi. Le vent tombe en moins de 20 min comme tous les soirs (on le savait pourtant !) et le voilà qui doit rentrer à la rame contre le courant dans une eau à 10 degrés pendant que Manon le regarde du bateau, dépitée de ne pouvoir aider… Ca aurait pu mal finir mais grâce à son physique d’athlète et son entrainement de croisièriste aguéri PB rentre tout seul au bateau. Dommage c’était surement la dernière session avant longtemps et c’était … NUL  !!! malgré le cadre idyllique.

Départ à 6h du matin le lendemain pour rejoindre Tadoussac à l’entrée du fjord du Saguenay. L’endroit est connu pour sa forte concentration de mammifères marins. Baleines de mink, à bosse et bleues, marssoins, phoques et bélugas. On attend cette navigation depuis longtemps. Nous avons des conditions idéales pour l’observation car il n’y a pas un souffle de vent. Nous traversons le fleuve pour rejoindre la rive nord et bifurquons ensuite vers Tadoussac. Le courant du labrador, qui est un courant de profondeur, remonte le St Laurent et butte sur la remontée de fond proche de l’entrée du fjord en faisant remonter le krill, nourriture principale des baleines. Nous écoutons la VHF pour savoir où les bateaux de croisière aux baleines de Tadoussac en ont vue et essayons de les repérer à l’aide des jumelles. Le problème reste le même sur le St Laurent : les abris sont très espacés les uns des autres et on ne peut pas toujours perdre de temps en navigation. Nous ne repartons donc pas plusieurs heures en arrière quand une baleine bleue est repérée à hauteur du cap Bon Désir. Nous nous contentons (volontier !) d’une petite baleine de Mink et de nombreux bélugas et marsouins. 

La baie de Tadoussac est trop profonde pour y ancrer sereinement donc nous n’hésitons pas à nous rendre à la marina. La petite ville nous plait beaucoup et nous faisons de belles balades dans la forêt aux abord du fjord du Saguenay les jours suivants. Nous attendons le créneau météo pour faire les deux dernières navigations du voyage. Comme à Rimouski, le restaurant est à porté de babyphone et nous en profitons un soir pendant qu’Océane garde le bateau. 

 

Tadoussac – Québec, l’heure du grand ménage

 Nous sommes déjà le 5 août, il est temps de finir notre voyage et de rejoindre Québec. Les sentiments sont partagés. Nous avons conscience que c’est la fin d’une belle période de voyage en famille mais nous sommes un peu usés par les navigations et l’attention que demande Océane. Nous en avons marre de naviguer au moteur également et pourtant c’est ce qui risque d’arriver pour ces deux dernières navigations…

Première étape, Tadoussac – Cap à l’aigle. Rien de particulier pour cette navigation facile au moteur. Nous arrivons à 20h sans encombre et Océane accepte de se coucher directement. Presque trop facile… En attendant la marée du lendemain nous faisons un petit tour dans les jardins de Cap à l’Aigle. 

Seconde étape, Cap à l’aigle – Ile aux coudre. Frayeur pendant cette nav… Alors que Culbuto avance à 9 noeuds au moteur, bien aidé par le courant, PB emmène Océane sur le pont. Ils sont aux pied du mat quand PB entreprend de ranger une drisse mal lovée. Bien sur, il garde un oeil sur Océane mais la laisse libre de ses mouvements, c’est son bateau après tout. Mais voilà qu’elle grimpe sur la capote rigide. PB lui demande de descendre, ce n’est pas la première fois et elle sait qu’elle n’a pas le droit. Océane prend ça à la rigolade et s’échappe d’un coup à quatre pattes et en rigolant sur le bimini (la toile de protection solaire au dessus du cockpit) ! Là c’est vraiment dangereux et le temps que PB monte à son tour sur le bimini pour rattraper le bébé elle est déjà arrivé au portique arrière ! Bref… tout fini bien mais PB est plus blanc que la coque du bateau quand il l’attrape enfin par la peau des fesses ! 

Voilà pourquoi une certaine usure et angoisse permanente ne nous quitte plus depuis quelques semaines. Ca va faire du bien de changer d’horizon quelques temps et de permettre à Océane d’avoir plus de liberté le temps qu’elle apprenne à tenir en place. 

Nous ancrons au mouillage de la prairie pour la nuit. Le courant y est si fort que nous devons bloquer l’arbre d’hélice qui tourne tout seul. Pas question d’essayer de descendre à terre en annexe. Nous sommes 4 bateaux et c’est amusant, à 6h le lendemain matin de nous voir tous remonter les ancres dans un bel ensemble synchronisé. A priori on a tous fait le même calcul de marée…

Cette dernière navigation commence au moteur comme prévu puis, de manière inespérée, le vent rentre à 20 noeuds et dans le bon sens en plus ! Les sourires sont sur toutes les lèvres, on profite à fond ! 

L’arrivée à la marina de Québec est une formalité, notre place nous attend comme prévu depuis plusieurs mois. On l’a fait ! Fort-de-France -> Québec, en famille !

Pas le temps de s’arrêter pour autant. Nous sommes le 7 août et l’avion est le 13. D’ici là il faut avoir tout démonté, rincé, rangé et sortir le bateau de l’eau. On attaque donc le jour même car la météo pour les jours suivants est à la pluie et qu’il faut envoyer les voiles, sèches, chez le voilier. On arrête pas les 4 jours suivants : Démontage de l’enrouleur de foc qu’il faut entretenir, démontage de tous les cordages, remise en état des supports pour la sortie d’eau (achetés à distance à des Québecois rencontrés à Cariacou), hivernage du moteur à l’antigel, vidange, hivernage du dessalinisateur, hivernage de toute la plomberie, démontage de l’éolienne, démontage du safran qui est plein d’eau, hivernage du moteur hors bord, démontage de l’annexe, ménage complet… Bref on arrive enfin à passer une matinée tous les 3 ensembles pour aller visiter le vieux Québec et c’est déjà le moment de fermer le bateau. 

Retour en France

Pour rentrer en France, on commence par 4h de train entre Québec et Montréal. 4h c’est le temps qu’il nous aura fallu pour perdre nos bagages… heureusement vite retrouvés ils nous rejoignent 1h plus tard. On enchaine sur 4h d’attente à l’aéroport, 6h de vol, 2h d’attente, 2h 30 de train et 1h de voiture avant d’être enfin chez les parents de PB à Niort. Avec le décalage horaire c’est presque 24h de voyage mais nous sommes là comme prévu pour l’anniversaire de la maman de Manon. Le bon côté c’est que ces quelques jours de rangement et de transit ne nous ont pas laissés le temps de penser à la fin du voyage. C’est terminé, voilà tout…

Maintenant que nous sommes en France nous profitons de la famille et recherchons, à distance, un appartement à Montréal pour nous y installer quelques années. Nous gardons le bateau pour le moment mais ne pensons pas naviguer énormément. Le Canada va nous offrir pleins de nouveaux horizons que nous avons hâte de découvrir ! 

Océane, Manon et PB à bord de Culbuto !